Après ma série de questions à Bernard Golse (restées jusqu'ici sans réponse), je poursuis ma démarche de questionnement précis des théories et des pratiques psychanalytiques pour l'autisme, en envoyant les questions suivantes à la CIPPA.
Généralités
Dans son document "
Alerte aux méconnaissances concernant
la psychanalyse et l’autisme" et sur le reste de
son site, la CIPPA fournit une description des théories et des pratiques
psychanalytiques pour l'autisme qui a surpris un très grand nombre de parents
d'enfants autistes, ainsi que de nombreux professionnels (psychiatres,
psychologues...), qui ont une expérience quotidienne très différente des
pratiques psychanalytiques.
1.
Pour prendre un exemple
concret, dans
"le non" de Geneviève Haag, il est dit
que les signataires du texte ne soutiennent pas "
l'attitude qui consisterait à attendre la demande".
Pourtant, un nombre très important de familles d'enfants autistes réunies dans
les associations rapportent qu'on leur a opposé d'attendre "l'émergence du
désir de communiquer", retardant ainsi le diagnostic d'autisme pendant
plusieurs années. Voir par exemple les témoignages rassemblés
sur ce site.
a. Comment expliquez-vous ce
décalage entre les positions affichées par la CIPPA et les pratiques observées
sur le terrain?
b. Quelle proportion des
psychanalystes en activité dans le champ de l'autisme la CIPPA pense-t-elle
représenter?
c. Envisagez-vous de prendre
position publiquement contre les pratiques consistant à attendre
"l'émergence du désir"?
d. Envisagez-vous de prendre
position publiquement contre les pratiques consistant à différer le diagnostic
bien au-delà de 3 ans, quand tous les éléments sont présents pour le faire?
2.
a. Comment expliquez-vous
que certains psychanalystes formulent des diagnostics de psychose infantile,
d'autres de dépression infantile, pour des enfants qui finalement sont
diagnostiqués comme autistes par des psychiatres utilisant les critères
diagnostiques des classifications internationales?
b. Quels sont les critères
diagnostiques de l'autisme préconisés par la CIPPA?
Sur le plan théorique:
3.
La CIPPA dit être ouverte
à d'autres approches de l'autisme et les intégrer.
b. Sinon, où tracez-vous la
limite entre les approches valides et celles qui ne le sont pas?
c. Et sur la base de quels
critères?
4.
"Les signataires affirment qu’ils ne
soutiennent pas l’idée d’une psychogenèse purement environnementale de
l’autisme".
a. Vous soutenez donc l'idée
d'une combinaison de facteurs génétiques et environnementaux?
Il existe effectivement
des preuves qu'un certain nombre de facteurs environnementaux augmentent la
susceptibilité à l'autisme, notamment: des infections prénatales, l'exposition
prénatale à des toxiques (thalidomide, acide valproïque), les souffrances à la
naissance…
b. Pensez-vous à d'autres facteurs
environnementaux qui soient également pertinents? Si oui, quelles sont les
données à l'appui de leur rôle dans l'étiologie de l'autisme?
5. "les psychanalystes ont
appliqué la méthode de l’association libre aux enfants avec autisme en prenant
en compte leur langage corporel par lequel ils nous ont révélé eux-mêmes la
nature de leurs vécus crispés sur les stéréotypies".
a. Quelles sont les données
prouvant que la méthode de l'association libre permet de révéler quelque chose
de pertinent sur quelqu'un?
b. Quelles sont les données
montrant qu'interpréter les gestes d'un
enfant non verbal selon la méthode de l'association libre permet de révéler
quelque chose de pertinent sur ses troubles? (autre que des observations évidentes
sur la nature de ses éventuels troubles moteurs)
"Leur principale panne développementale -
quelles qu’en soient les causes - semble la non constitution, ou
l’effondrement, des premières constructions du moi corporel, qui permettent à
la fois d’être dans sa peau et de contenir ses émotions"
6. a. Quelles sont les données venant à l'appui de
cette hypothèse sur la nature des troubles autistiques?
" Révélations faites par les
enfants avec autisme de leurs vécus corporels et spatiaux angoissants, plus ou
moins colmatés par les stéréotypies et rituels, qui handicapent lourdement
leurs explorations spontanées. Ces vécus sont des sensations de chute et/ou de
liquéfaction, en rapport avec des effondrements toniques le plus souvent
insoupçonnables derrière des enraidissements, des mouvements rythmiques ou des
agrippements sensoriels (lumière, son, vertige labyrinthique), mais qui
apparaissent parfois brusquement lors d’une séparation corporelle (par exemple
fin de séance dans le cadre thérapeutique), d’un changement imprévisible, ou
d’un débordement émotionnel : l’enfant s’écroule alors comme un tas de chiffons."
6. b. Quelles sont les
données venant à l'appui de ces "révélations"?
"Ceux qui parlent évoquent comme
un écoulement d'eux-mêmes et/ou un engloutissement tourbillonnaire. Ainsi, Paul
qui, après une longue séparation estivale, s’effondre ainsi en fin de séance de
retour et dit avec un filet de voix tremblée, très angoissée "On va pas
couler dans les W.C...?"."
7. a. La peur de tomber dans
les WC est fréquente chez le jeune enfant, et, de fait, légitime, considérant
leur taille. Qu'est-ce qui vous permet d'affirmer que la même crainte, exprimée
par des enfants autistes, évoque "un écoulement d'eux-mêmes et/ou un
engloutissement tourbillonnaire"?
7. b. Est-ce le mot
"couler" qui vous suggère cette interprétation? Qu'est-ce qui vous
permet de penser que l'usage des mots par un enfant autiste de cet âge et de ce
niveau intellectuel est suffisamment précis pour justifier des interprétations
aussi littérales?
"Une fillette sans
langage verbal, cherchant à répondre au questionnement sur son enraidissement
corporel quasi-permanent, verse de l’eau par terre et désigne la flaque tout en
laissant tomber comme une flaque, à côté, une peluche toute molle, vidée de sa
bourre. "
8. Qu'est-ce qui permet
d'interpréter ce geste de l'enfant comme une réponse symbolique aux questions
qui lui sont posées?
"Pour ce qui est de
la chute, les enfants font de nombreuses mises en scène d’objets qui tombent du
bord des tables, des rebords architecturaux, des sièges etc."
9. La plupart des enfants
aiment faire tomber des objets. Qu'est-ce qui permet d'affirmer que les mêmes
gestes, accomplis par un enfant autiste, constituent une mise en scène
symbolique de leur peur de tomber?
"Certains se
perchent eux-mêmes sur ces rebords architecturaux, comme des alpinistes contre
la paroi et nous communiquent ainsi la peur qu’ils ne tombent."
En général les enfants qui ont peur de tomber évitent de se mettre dans une
situation propice à la chute. A contrario, ceux qui font des acrobaties sont a
priori ceux qui la redoutent le moins.
10. a. Qu'est-ce qui vous
permet d'affirmer que chez les enfants autistes, les acrobaties reflètent au
contraire la peur de tomber?
b. Si vous aviez observé
chez les enfants autistes le comportement opposé (évitement des situations de
chute), auriez-vous conclu qu'ils n'ont aucune peur de tomber?
"Peur de tomber de
l’autre côté des yeux ou de la tête d’autrui. Cela est mimé de diverses
manières. Nous comprenons que le défaut ou la faiblesse d’introjection de la
contenance corporo-psychique est projeté sur la tête de l’autre et que le
regard ne trouve donc pas de point de renvoi."
11. Quelles sont les données
autorisant de telles interprétations?
12.
a. De manière plus générale,
qu'est-ce qui justifie l'hypothèse selon laquelle le comportement des enfants autistes constitue une symbolique
ayant un sens caché qu'il conviendrait de décrypter?
b. Est-ce que les hypothèses
psychanalytiques actuelles sur l'autisme reposent exclusivement sur des
interprétations des comportements des enfants autistes similaires à celles
mentionnées ci-dessus?
c. Par quelles méthodes et
selon quels critères déterminer si ces interprétations sont correctes?
d. N'y a-t-il pas des
données un peu plus objectives à l'appui de ces hypothèses?
e. Avez-vous conduit des
expériences permettant de tester la sensibilité et la spécificité de votre
grille de lecture interprétative?
f.
Par exemple, avez-vous tenté d'appliquer la même grille de lecture en
aveugle à des groupes d'enfants avec différentes pathologies et à des enfants témoins, et montré que vos
interprétations caractérisent spécifiquement les enfants autistes?
Sur le plan des pratiques:
13. La CIPPA dit être ouverte aux thérapies éducatives et comportementales de
l'autisme et les intégrer dans ses pratiques "intégratives" et
"multidimensionnelles".
a. Dans ce cas, quelles sont
les pratiques spécifiquement psychanalytiques que la CIPPA préconise en plus?
b. Quelles sont les données montrant
que l'association de pratiques psychanalytiques aux thérapies comportementales
est plus efficace que les thérapies comportementales seules?
14. "la confrontation de
nos expériences de psychothérapeutes de formation psychanalytique nous permet
d’affirmer que nous avons aidé un certain nombre d’enfants avec autisme de bon
niveau intellectuel à évoluer avec beaucoup moins de séquelles, notamment
obsessionnelles avec rigidité de la pensée".
a. Considérez-vous que la
confrontation des expériences de psychanalystes entre eux est une démarche
suffisante pour établir l'efficacité de leurs pratiques?
b. "Beaucoup moins de
séquelles", par comparaison à quoi? L'évolution de ces enfants a-t-elle
été comparée à celle d'un groupe témoin, afin de contrôler les effets dus à
l'évolution spontanée des enfants?
c. L'évolution de ces
enfants a-t-elle été comparée à celle d'enfants ayant bénéficié d'autres
pratiques thérapeutiques?
15. « Une meilleure gestion des
angoisses corporelles, des fantasmes et de la souffrance des personnes autistes
(surtout quand elles prennent conscience de leur différence) ouvre plus grand
les portes aux apprentissages. »
a. En admettant que les
enfants autistes aient des "angoisses corporelles", comment
préconisez-vous de les gérer ?
b. Quelles données montrant
que votre manière de gérer ces angoisses permettent à l'enfant autiste de
progresser dans les apprentissages (plus que son évolution spontanée ou qu'une
autre pratique non centrée sur les angoisses corporelles)?
16. Malgré la longueur du
document, les pratiques thérapeutiques psychanalytiques ne sont pour ainsi dire
pas décrites.
a. Pouvez-vous décrire
précisément en quoi elles consistent?
b. Pouvez-vous expliquer le
rationnel de ces pratiques et les données à l'appui de leur efficacité?
17. Plus spécifiquement:
a. La CIPPA préconise-t-elle
les ateliers-pataugeoire tels que décrits par Anne-Marie Latour?
b. Si oui pourquoi? Quelles
données suggèrent que cette pratique a un intérêt thérapeutique?
c. Sinon la CIPPA
envisage-t-elle de s'en distancier publiquement?
18.
a. La CIPPA préconise-t-elle
les ateliers-conte tels que décrits par Pierre Lafforgue?
b. Si oui pourquoi? Quelles
données suggèrent que cette pratique a un intérêt thérapeutique?
c. Sinon la CIPPA
envisage-t-elle de s'en distancier publiquement?
19.
b. Si oui pourquoi? Quelles
données suggèrent que cette pratique a un intérêt thérapeutique?
c. Sinon la CIPPA
envisage-t-elle de s'en distancier publiquement?
20. La CIPPA défend l'usage
du packing pour l'autisme dans certaines situations précises. L'essai clinique
mené par Pierre Delion et ses collaborateurs n'étant pas terminé, sur la base
de quelles données le packing peut-il être recommandé?
21. Beaucoup de
psychanalystes rejettent l'idée que l'efficacité des pratiques
psychothérapiques puissent être évaluées scientifiquement.
a. Est-ce la position de la
CIPPA?
b. Sinon, pourquoi de telles
évaluations n'ont-elles pas encore abouti?
Libellés : autisme, cippa, psychanalyse