Jean-Claude Maleval, interviewé par Gérard Miller, dans la Vie du 24 mai 2012, interview reproduite dans Lacan Quotidien n°2152.
Extrait n°1
Gérard Miller
: Devenu aujourd'hui l'une des sommités de la psychanalyse à
l'université, comment expliquez-vous que la découverte freudienne y soit
si contestée ?
Jean-Claude Maleval
: C'est d'abord lié à la montée du cognitivisme, qui conçoit le cerveau
comme un ordinateur. Or, l'ordinateur n'a pas d'affects, pas de
jouissance, et c'est ce qui est terrible avec le cognitivisme : il
évacue toute dimension affective, émotionnelle. C'est un combat
permanent pour maintenir la psychanalyse contre une telle approche de
l'être humain.
Commentaire de Franck Ramus
Il
est faux que le cognitivisme conçoive le cerveau comme un ordinateur.
Les sciences cognitives ont simplement constaté que le cerveau traitait
des informations, de même que les ordinateurs. L’analogie s’arrête là. Il
est encore plus faux que le cognitivisme évacue toute dimension
affective et émotionnelle. Bien au contraire, l’étude des émotions, de
l’attachement, et de l’humeur est un secteur particulièrement dynamique
des sciences cognitives. Par exemple, dans l’encyclopédie de référence des neurosciences cognitives, la partie VIII, comprenant 9 chapitres, y est entièrement consacrée.
Pour
affirmer que le cognitivisme évacue toute dimension affective et
émotionnelle, il faut donc faire preuve soit d’une grande ignorance de
ce que sont les sciences cognitives, soit d’une grande malhonnêteté.
Par
ailleurs, sur le plan thérapeutique, de nombreuses formes de
psychothérapies autres que la psychanalyse ont pour objet d’intervenir
sur les émotions et les affects des patients. Là encore, ignorance ou
malhonnêteté ?
Libellés : psychanalyse, sciences cognitives