La circoncision et le baptême sont des atteintes à la liberté de conscience



La décision d'un tribunal allemand d'interdire la circoncision en se référant à la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne est une occasion sans précédent de faire progresser la liberté de conscience pour tous les citoyens européens. Même si le jugement est singulièrement limité à une seule pratique religieuse et est motivé par l'atteinte incontestable à l'intégrité physique de l'enfant et par les risques médicaux encourus, la question est désormais posée: est-il acceptable de faire entrer de force dans une religion des enfants qui ne sont pas en âge d'y consentir librement?

La capacité limitée des enfants à donner un libre consentement bénéficie déjà d'une large reconnaissance juridique et d'un consensus total au sein de la population. Pensons par exemple au fait que le législateur a éprouvé le besoin de définir un âge de la majorité sexuelle (fixé en France à 15 ans), en-deçà duquel la personne n'est pas supposée être en mesure de consentir librement à des relations sexuelles (avec des personnes majeures susceptibles de les manipuler). On rappellera également que l'endoctrinement des enfants au sein des religions non reconnues (désignées sous le vocable péjoratif de sectes) est une préoccupation constante de l'Etat français, par l'intermédiaire de son organe la Miviludes. Or il n'existe aucun critère objectif différenciant les religions bénéficiant d'une reconnaissance officielle des autres qui sont qualifiées de sectes[1], et d'ailleurs le législateur n'a jamais été en mesure ne serait-ce que de définir le terme de secte. Ces quelques évidences aboutissent à la question suivante: Comment peut-on considérer comme inacceptable que des enfants soient impliqués dans certaines pratiques (en l'occurrence, sexuelles, ou religieuses appartenant à des religions non reconnues) à un âge où ils sont présumés ne pas pouvoir y consentir librement, tout en trouvant normal qu'ils soient embrigadés, au même âge, et de toute évidence sans leur consentement, dans d'autres pratiques, en l'occurrence religieuses appartenant à des religions établies? Il y a là une contradiction logique et juridique que les tribunaux devront bien un jour reconnaître, et en tirer toutes les conséquences.

La liberté de conscience, garante de toutes les libertés religieuses, présuppose en effet que les êtres humains sont libres de choisir leurs croyances. Or la plupart des religions ont bâti leurs empires précisément sur l'embrigadement précoce d'individus trop jeunes pour disposer de cette liberté. Et elles tiennent plus que tout à ce pouvoir, si l'on en croit les réactions de toutes les autorités religieuses (y compris chrétiennes, bien qu'a priori non concernées[2]) au jugement allemand, ou si l'on en croit la résistance de l'église catholique aux demandes croissantes de débaptisation[3].

Ainsi, comme le reconnaît le rabbin David Meyer[4], il y a un conflit franc et massif entre la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne et le modus operandi des religions. Il choisit de résoudre ce conflit en mettant en cause la première, au motif qu'il est des choses qu'on ne choisit pas, et qu'en particulier on ne choisirait pas d'être juif. Cette affirmation présuppose que le judaïsme est une propriété consubstantielle de l'individu, à l'instar de son ethnie ou de son groupe sanguin. Mais, s'il est vrai qu'on ne choisit pas son ethnie ou son groupe sanguin, il s'agit là de propriétés naturelles de l'individu qui ne sont en aucun cas imposées par d'autres personnes. Le judaïsme, lui, n'est pas une propriété naturelle, et la conception ethnique du judaïsme est au mieux une idéalisation[5]. Le judaïsme, comme la plupart des autres religions, est ouvert depuis des millénaires aux conversions venant de toutes les ethnies. Puisqu'il est possible de choisir une religion, judaïsme ou autre, en toute liberté et en pleine connaissance de cause, il n'y a aucune excuse pour que ce ne soit pas systématiquement et obligatoirement le cas. La liberté de religion n'est pas la liberté d'imposer sa religion aux autres, fussent-ils ses propres enfants.


Le baptême (et ses avatars dans d'autres religions), s'il peut paraître bien anodin, pose problème en tant que premier acte d'une longue série de rites d'appartenance et d'étapes d'endoctrinement. Il accrédite l'idée qu'il est normal que de jeunes enfants héritent automatiquement et sans leur consentement de la religion de leurs parents. Par ailleurs le baptême n'est pas juste une cérémonie privée impliquant uniquement le libre choix des parents, c'est une initiation officielle pratiquée par des autorités religieuses dont les motivations profondes peuvent être très éloignées de celles des parents, et qui l'utilisent pour s'assurer un endoctrinement et un recrutement optimal de la génération suivante. Le principe même du baptême étant donc en contradiction patente avec la liberté de conscience, il faut y renoncer. Au-delà du baptême et de la circoncision, ce sont toutes les formes d'endoctrinement et d'initiation précoces qui sont à bannir: catéchisme, professions de foi, communions…


La France s'honorerait en garantissant à tous ses enfants la liberté de conscience, liberté qui leur est déjà acquise en droit mais qui a été systématiquement bafouée jusqu'à présent. Il est donc temps d'envisager sérieusement d'interdire tous les rites impliquant l'appartenance d'enfants à une religion et toutes les formes d'endoctrinement religieux, soit jusqu'à l'âge de leur majorité civile, soit jusqu'à l'âge d'une majorité religieuse qui serait à définir par le législateur, mais dont on comprendrait mal qu'il puisse être inférieur à celui de la majorité sexuelle.


[1] Cf. par exemple "Peut-on établir une différence objective entre sectes et religions ?", Anne Morelli, Science et Pseudosciences n°283, octobre 2008.
[3] Cf. par exemple "La bataille des débaptisations", Henri Tincq, Slate.fr, 25/05/2012.
[4] Expliquer la circoncision, David Meyer, Le Monde.fr, 25/09/2012.
[5] Shlomo Sand, Comment le peuple juif fut inventé, Fayard, 2008.

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