Questions sur l'article de Libération du 2 mai 2013

Messieurs,
Dans l'article "Autisme : nouveau plan et reprise des hostilités" publié par Eric Favereau dans Libération du 2 mai 2013, il est écrit "Les méthodes qui réussissent étant, pour la ministre, celles reposant sur le comportementalisme et l’apprentissage. Mais, dans son numéro d’avril, la revue Prescrire les considère «comme sujettes à caution, car non évaluées»".

Est-ce par simple ignorance, ou par malhonnêteté, que l'auteur anonyme de cet article dans la revue Prescrire passe sous silence la trentaine d'essais cliniques et les méta-analyses publiés dans les revues scientifiques internationales, établissant la supériorité de ces interventions éducatives et comportementales sur un certain nombre d'interventions ou de situations contrôles? Cf. les références en bas de cette page.
Comment se fait-il que la revue Prescrire, qui fonde sa réputation sur une rigueur scientifique irréprochable et sur la primauté absolue donnée aux résultats des essais cliniques par rapport au marketing et au lobbying, et qui dans bien des domaines n'hésite pas à remettre en cause les croyances les plus solidement ancrées parmi les médecins français lorsque les données cliniques l'imposent, adopte ici une attitude diamétralement opposée, relayant sans aucun esprit critique les croyances des pédopsychiatres psychanalystes français en dépit des données scientifiques? N'y a-t-il pas là deux poids, deux mesures, un double standard totalement injustifiable?

Plus bas, M. Bursztejn déclare: «C’est bien dommage, car aujourd’hui la seule chose qui marche pour les enfants autistes, c’est quand les gens travaillent ensemble». Autrement dit, Mr. Bursztejn, vous sous-entendez que la nature même des pratiques thérapeutiques n'a aucune importance, et que seule l'attitude des soignants compte. Quelles données solides pouvez-vous citer à l'appui de cette affirmation? Comment réconciliez-vous cette affirmation avec les résultats des essais cliniques montrant le contraire, à savoir que la nature des interventions a toute son importance? Comment réconciliez-vous cette affirmation avec les résultats accablants de l'étude de Darrou et al. (2010) (analysés en détail ici), qui révèlent les progrès extrêmement faibles réalisés par les enfants autistes pris en charge par la psychothérapie institutionnelle à la française (sans aucun doute par "des gens qui travaillent ensemble").
NB: M. Bursztejn, si jamais vous avez été cité de manière incorrecte par M. Favereau, n'hésitez pas à rectifier publiquement les propos qui vous sont attribués, et je rectifierai bien entendu la critique que j'en fais.

M. Favereau, vous écrivez que la ministre "a repris des données non validées : un nouveau-né sur 150 serait concerné par les troubles du spectre autistique. Un chiffre démesuré, comme si le nombre des autistes avait été multiplié par dix en dix ans". Sur quelles données vous appuyez-vous pour affirmer cela? N'avez-vous pas connaissance des travaux d'Eric Fombonne sur l'épidémiologie des troubles du spectre autistique, qui font autorité dans le monde entier, et qui valident précisément le chiffre donné par la ministre (qui d'ailleurs n'a pas augmenté de plus de 50% en 10 ans, soit au plus 20 fois moins que ce que vous affirmez)? (pour les sources, voir par exemple ce texte et les références citées infra)

M. Favereau, à défaut de pouvoir faire état d'un consensus qui n'existe pas (tout du moins en France), n'avez-vous pas envisagé de présenter une pluralité de points de vue sur la question? Pourquoi donc n'avez-vous pas interrogé un pédopsychiatre reconnu au niveau international et au fait des travaux scientifiques sur l'autisme, qui soit en mesure d'expliquer les données sur lesquelles s'appuient les déclarations de la ministre? Pourquoi donc n'avez-vous pas interrogé une personne autiste ou un représentant associatif, afin d'avoir son avis sur ces mesures? N'auriez-vous pas fait honneur à votre profession en donnant à vos lecteurs la possibilité de se faire leur propre point de vue à partir des arguments contradictoires des différentes parties?

Bien cordialement,
Franck Ramus

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