vendredi 19 février 2016

Approches psychothérapiques de l'autisme: A propos d'une étude française de 50 cas


En mars 2012, la Haute Autorité de Santé a publié une recommandation de bonne pratique concernant les interventions proposées aux enfants avec troubles du spectre autistique (TSA). Faisant le bilan de tous les essais cliniques de telles interventions, ce rapport soulignait le manque criant d'évaluations des pratiques inspirées de la psychanalyse et dites de psychothérapie institutionnelle, ayant majoritairement cours en France. A tel point que la HAS déclara de telles interventions "non consensuelles", du fait non seulement de l'absence totale d'évaluations, mais également des avis divergents des professionnels consultés à ce sujet. Lorsque le rapport de la HAS fut publié, le Landernau de la pédopsychiatrie française s'émut de ce que son génie ne fut pas reconnu à sa juste valeur. Parmi les arguments répétés à de multiples reprises, figurait celui d'une recherche en cours de l'Inserm sur les interventions psychanalytiques, dont les résultats auraient été injustement ignorés par la HAS. Par exemple, interrogé le 8/03/2012 sur les recommandations de la HAS dans le magazine de la santé, Bernard Golse indiquait "je tiens à dire que les méthodes psychothérapeutiques sont en phase de validation par l'Inserm".

Bien évidemment, l'étude étant en cours et les résultats n'en étant pas publiés, il était bien normal que la HAS ne puisse en tenir compte. Rappelons que pour des raisons de rigueur élémentaire et étant donnée la nature particulière de la publication scientifique, la HAS ne peut fonder ses recommandations sur des on-dits, sur des rapports verbaux, ni même sur des livres ou des articles publiés en français dans l'édition classique. Ses avis doivent  impérativement se baser sur des articles publiés dans des revues scientifiques internationales expertisées par les pairs (cf. mon article à ce sujet).


Autisme et psychanalyse: Résultats

Début 2014, les premiers résultats de cette fameuse étude dite "de l'Inserm" ont été publiés, dans un article signé par Jean-Michel Thurin, Monique Thurin, David Cohen et Bruno Falissard, paru dans la revue française Neuropsychiatrie de l'enfance et de l'adolescence (Thurin et coll. 2014). Cette étude a fait l'objet d'une publicité importante dans le monde de l'autisme en France. Par exemple, sur le site de la CIPPA, la publication de l'étude est annoncée avec la mention "Les résultats sont tout à fait positifs concernant les psychothérapies psychanalytiques". Lacan Quotidien de décembre 2014 en a fait un article triomphant intitulé "Autisme: L'Inserm valide la psychothérapie psycho-dynamique". Même sur la page Wikipedia "Méthodes de prise en charge de l'autisme", dès le premier paragraphe, il est écrit "D'après les résultats préliminaires, dans le cadre du réseau INSERM, d'une étude scientifique de long-terme, l'approche psychothérapeutique de l'autisme, principalement d'inspiration psychanalytique, donne également des améliorations significatives de l'état des enfants autistes" (consultée le 10/02/2016). Voir également un texte de Jean-Claude Maleval... Enfin, il semble que cette étude soit utilisée pour défendre l'intérêt de la psychanalyse pour l'autisme auprès des pouvoirs publics. Il paraît donc important d'examiner cette étude et les données qui y sont rapportées. C'est l'objet du présent article.

Introduction et philosophie générale

La longue introduction de l'article de Thurin et coll. entend nous convaincre que la recherche en psychiatrie est entrée dans une nouvelle ère. La question de savoir si une forme de psychothérapie est, ou non, plus efficace qu'un placebo ou qu'une autre forme de psychothérapie, serait devenue caduque. L'efficacité des psychothérapies dans leur ensemble serait déjà démontrée, et il serait temps maintenant d'étudier les mécanismes de cette efficacité. D'après les auteurs, "Lerner et al. constatent que la question clé en recherche sur les interventions psychosociales efficaces dans l'autisme commence à se déplacer de "ce qui marche" vers les questions plus nuancées du "pourquoi et comment, pour qui, dans quelles conditions et quand" (...) ça marche?" A l'appui de cette nouvelle tendance, les auteurs citent également des recommandations de l'American Psychological Association, ainsi que les articles d'Alan Kazdin, un éminent psychologue reconnu internationalement.

Par quel tour de passe-passe ne serait-il plus pertinent d'établir l'efficacité d'une psychothérapie? Les auteurs font ici référence à l'idée que toutes les formes de psychothérapies se valent, en vertu des facteurs qu'elles partagent toutes. C'est ce qu'on appelle communément le verdict du dodo ("tout le monde a gagné"). Le problème, c'est que ce verdict est faux. Toutes les psychothérapies ne se valent pas. L'expertise collective de l'Inserm (2004) avait bien mis en évidence que les thérapies cognitives et comportementales (TCC) avaient une efficacité significativement supérieure aux thérapies psychanalytiques pour la quasi-totalité des troubles mentaux. Les études ultérieures n'ont fait que confirmer ce verdict (cf. par exemple Smit et coll. 2012).

La citation de Lerner et al. ci-dessus mentionnant "les interventions psychosociales efficaces dans l'autisme" est littéralement correcte. Mais dans leur esprit comme dans leur article, il s'agit de l'ABA, TEACCH et l'ESDM, qui ont déjà fait la preuve d'une efficacité supérieure au placebo. De plus, ces trois types d'interventions sont basés sur des principes communs issus des sciences du comportement, et sont essentiellement des variantes les unes des autres. Il est donc parfaitement légitime de penser qu'il ne s'agit maintenant pas tant de déterminer si tel programme parmi ceux-là est plus efficace que tel autre, mais plutôt quels ingrédients de chaque programme font progresser quels enfants dans quelles conditions. Mais les interventions psychanalytiques n'ont jamais fait la preuve de leur efficacité dans l'autisme, et par conséquent la citation de Lerner et al. ne s'applique pas à elles. De fait, dans leur synthèse des interventions pour l'autisme, ces auteurs n'en font pas la moindre mention. Peut-être ignorent-ils, comme l'immense majorité de leurs collègues, que quelques irréductibles gaulois promeuvent encore la psychanalyse pour l'autisme. Ils seraient certainement choqués d'apprendre que leurs propos ont été détournés pour suggérer qu'ils puissent s'appliquer à des thérapies psychanalytiques.

Si la recherche internationale sur les psychothérapies est en train de se déplacer vers l'étude des mécanismes médiateurs de l'efficacité, c'est bien parce que certaines formes de psychothérapies ont fait la preuve de leur efficacité. Mais certainement pas toutes. Ce n'est notamment pas le cas des psychothérapies psychanalytiques, ni d'autres thérapies proposées pour l'autisme (Sonrise, floortime, Feuerstein, packing... cf. HAS). Pour toutes ces thérapies à l'efficacité incertaine, il serait totalement prématuré de sauter l'étape de l'évaluation de l'efficacité pour se focaliser sur d'hypothétiques mécanismes. C'est pourtant ce que Thurin et coll. essaient de nous faire avaler dans l'introduction de leur article.

Méthodologie

L'étude porte sur 50 enfants ayant reçu un diagnostic clinique d'autisme ou de trouble envahissant du développement de la part d'un psychiatre, sans que ce diagnostic n'ait été validé par des outils standardisés, comme il est d'usage pour les recherches cliniques. Les enfants sont pris en charge par autant de thérapeutes (50, donc), et suivis pendant une période de 12 mois avec des évaluations tous les 4 mois, certaines avec des outils relativement standards (par exemple, l'Echelle des comportements autistiques, ECA-R), d'autres avec des outils plus idiosyncrasiques propres à la psychanalyse française (par exemple, l'Echelle d'évaluation psychodynamique des changements dans l'autisme, ECPA). D'autres outils décrivent l'environnement de l'enfant et les "processus psychothérapiques" (le CPQ). Enfin, "parmi les 50 thérapeutes (...),  41 sont de référence psychanalytique, 5 sont de référence cognitivo-comportementale, 3 de référence psychomotrice et 1 se réfère à la thérapie par le jeu."

La plus grande faiblesse méthodologique de l'étude, qui découle de la posture annoncée en introduction, est de n'inclure aucune condition contrôle à laquelle puissent être comparés les progrès accomplis par les enfants au cours des 12 mois du suivis. Le problème est classique: la plupart des patients voient leur état s'améliorer avec le temps, indépendamment de tout traitement. A fortiori, la quasi-totalité des enfants, même autistes, se développent, apprennent, leurs facultés cognitives et leurs comportements évoluent considérablement en l'espace d'un an, y compris sans l'aide du moindre psychiatre. Dans cette étude, comme dans la plupart des études interventionnelles, la stratégie d'analyse principale constitue à comparer les mesures effectuées sur l'enfant à la fin et au début du suivi. Mais là où les essais cliniques habituels vont comparer l'évolution de l'état des enfants ayant subi le traitement qui fait l'objet de l'étude, à l'évolution de l'état d'autres (ou des mêmes) enfants subissant un traitement différent (voire placebo, voire aucun) pendant la même durée, de manière à distinguer les effets du traitement de ceux du temps et du développement normal, cette étude n'effectue aucune comparaison de cette nature. Elle tient pour acquis que les progrès des enfants reflètent au moins partiellement l'intervention du clinicien, et recherche parmi les mesures intermédiaires (les processus psychothérapiques) les mécanismes médiateurs des progrès. En l'absence de la moindre preuve que les progrès des enfants doivent quoi que ce soit à l'intervention, cettre recherche de mécanismes revient à mettre la charrue avant les boeufs. Par ailleurs, la méthodologie ne mentionne aucune des méthodes analytiques usuelles permettant de tester rigoureusement des effets de médiation entre deux variables.

Non seulement l'étude ne comporte pas de groupe de comparaison, mais les méthodologies alternatives qui pourraient être employées ne le sont pas non plus. En particulier, les recommandations de Kazdin, dont il est fait grand cas dans l'introduction, ne sont pas respectées. Regardons plus spécifiquement les recommandations de Kazdin & Nock (2003) telles qu'elles sont listées dans l'encadré 1 de l'article (puis répétées dans l'encadré 2, ça doit donc être important!):

Recommandation de Kazdin & Nock (2003)Commentaire sur son application dans cette étude
1. Inclure des mesures de mécanismes potentiels de changement dans les études de psychothérapie. On peut discuter la pertinence des mécanismes potentiels mesurés dans cette étude, mais on admettra qu'un effort a été fait pour en mesurer.
2. Évaluer plus d’un mécanisme potentiel, ainsi que les variables confondantes possibles.Dans cette étude, beaucoup de mécanismes potentiels sont mesurés. En revanche des variables confondantes ne sont pas prises en compte.
3. Évaluer si de plus grands changements dans les mécanismes proposés sont liés à des changements subséquents et à de plus grands résultats. Non évalué dans cette étude.
4. Intervenir pour changer le mécanisme proposé du changement. Non effectué dans cette étude.
5. Établir une ligne de temps en utilisant une mesure continue des mécanismes proposés et des résultats d’intérêt. Il y a des mesures à 4 temps distincts, ce qui peut constituer une ligne de temps rudimentaire. Mais celle-ci n'est pas exploitée pour analyser les covariations temporelles entre mécanismes proposés et résultats d'intérêt.
6. Répliquer les effets observés dans différentes études, échantillons, et conditions (par exemple, configurations naturalistes et de laboratoire). Non effectué dans cette étude.
7. Utiliser la théorie comme guide des mécanismes potentiels choisis pour le focus de l’étude, ainsi que pour expliquer les effets observés et les intégrer dans une base de connaissances plus large. Les mécanismes potentiels ne sont pas choisis en fonction d'hypothèses théoriques, puisque les 100 items inclus dans le CPQ sont analysés. Néanmoins cette relative neutralité est cohérente avec l'hétérogénéité des pratiques thérapeutiques incluses dans l'étude.

Un autre problème est qu'il y a autant de thérapeutes (et potentiellement autant de pratiques) que de patients (soit 50), ce qui empêche rigoureusement de distinguer les effets qui pourraient être dus aux pratiques d'un thérapeute des effets qui pourraient être dus aux caractéristiques intrinsèques d'un patient (qui pourraient déclencher, en retour, certaines réponses de la part de son thérapeute).

Un autre reproche qui peut être fait est que cette étude s'abstient étonnament d'évaluer les enfants de l'étude à l'aide des outils les plus couramment utilisés dans les études interventionnelles, que sont les échelles ADOS, Autistic behavior, Social responsiveness, Clinical global impression, Vineland adaptive behavior, Repetitive behavior, Wechsler... L'ECA-R est ce qui s'en rapproche le plus mais est très peu utilisée en dehors de France. Du coup il est quasiment impossible de comparer les progrès effectués par les enfants dans cette étude, aux progrès observés dans d'autres études portant sur d'autres interventions (comme je l'avais fait dans cet article). Par ailleurs, ces évaluations ont été faites sur la base des observations du thérapeute lui-même, plutôt que par une personne indépendante, comme il est d'usage dans les études interventionnelles afin de garantir l'objectivité de la mesure.

Enfin, on notera que le nombre très faible de thérapeutes ne se réclamant pas de la psychanalyse rend toute comparaison entre différents types de thérapie impossible. De plus, il est indiqué que les thérapeutes assimilés aux TCC "pratiquent des thérapies d'échange et de développement" (TED). Ces thérapies, développées en France, n'ont jamais fait l'objet d'un essai clinique contrôlé ayant pu établir leur efficacité (même si on peut considérer qu'elles sont très proches, voire à l'origine, d'ESDM). C'est pour cette raison que le rapport de la HAS de 2012 leur accordait seulement un "accord d'experts", là où ABA, TEACCH et ESDM bénéficiaient d'un niveau de preuve plus tangible. Ainsi, quand bien même, à une étape ultérieure de l'étude impliquant un plus grand nombre de thérapeutes, une comparaison entre psychanalyse et TED serait effectuée, il conviendrait de se souvenir que la thérapie psychanalytique est comparée à une intervention à l'efficacité inconnue, plutôt qu'à l'une des interventions ayant une efficacité bénéficiant d'un réel niveau de preuve.

Pour terminer, notons qu'il n'est fait mention d'aucun pré-enregistrement de l'étude, démarche pourtant importante pour les essais cliniques, et requise depuis 2005 pour la publication dans les grandes revues médicales internationales.

Résultats

La plupart des résultats présentés sont descriptifs et montrent l'évolution des différentes mesures entre le début et la fin du suivi, avec parfois des mesures intermédiaires. Sans grande surprise, des progrès sont observés en moyenne dans à peu près tous les domaines. Comme expliqué dans l'analyse de la méthodologie, rien ne permet d'attribuer ces progrès à l'intervention des thérapeutes plutôt qu'exclusivement au temps et au développement de l'enfant. Les auteurs le reconnaissent à demi-mot dans la discussion: "l'effet propre du développement ne peut être complètement apprécié". Ils avancent cependant que "tous les enfants du même âge n'avancent pas au même rythme et que ceux qui commencent leur psychothérapie tardivement sont moins avancés au niveau du développement que des enfants plus jeunes après 2 ans de psychothérapie". Cette affirmation est purement gratuite, n'étant étayée par aucune comparaison statistique entre groupes d'enfants, et une telle comparaison serait de toute façon invalidée par l'absence de randomisation entre groupes d'enfants à comparer.

Le but affiché de l'étude étant d'identifier des mécanismes psychothérapiques, l'étape-clé des analyses est celle concernant les items du CPQ (child psychotherapy process Q-set), qui sont censés refléter l'attitude et les actions du psychothérapeute au cours de l'intervention. Leur nombre très élevé (100) rend impossible une analyse exhaustive et nécessite donc une réduction des données. Dans un premier temps, les auteurs identifient les 20 items les plus fréquement mentionnés par les thérapeutes, aux différents temps de l'évaluation (2, 6 et 12 mois). Une analyse factorielle complète cette description et identifie 4 composantes principales (regroupement d'items fréquemment associés). A partir de là, les auteurs proposent une interprétation des items les plus fréquents du CPQ, en temps que médiateurs potentiels des changements observés chez les enfants. Il est important de souligner qu'aucune analyse statistique de médiation n'est effectuée dans le but de tester véritablement si les processus psychothérapiques identifiés pourraient jouer un rôle de médiateur entre les évaluations initiales et finales. Les interprétations proposées sont donc de la pure spéculation.

A la décharge des auteurs, une véritable analyse de médiation sur les items du CPQ serait vouée à l'échec. En effet, le nombre de variables dans cette étude est bien supérieur au nombre de participants: l'ECA-R comporte 29 items, l'EPCA 147, et le CPQ 100. Même après analyse factorielle et réduction des données à un petit nombre de facteurs, la puissance d'une analyse de médiation serait limitée et le nombre de tests statistiques serait important, ce qui nécessiterait des corrections drastiques, dans la mesure où, l'étude n'ayant pas été pré-enregistrée, aucune hypothèse a priori n'a été spécifiée à l'avance. Une analyse de médiation aurait donc toute les chances, soit de n'aboutir à aucun résultat, soit d'aboutir à des résultats statistiquement significatifs du seul fait du hasard, et donc non fiables. On comprend donc que les auteurs n'aient pas jugé utile de conduire une telle analyse (ou l'aient conduite mais pas rapportée dans l'article), et analysent leurs données de manière purement exploratoire et descriptive. La conséquence, c'est que rien ne leur permet de conclure que des processus psychothérapiques identifiés dans le CPQ soit des médiateurs de changement. Aucun lien n'est établi entre les variables.

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Le Mur, Sophie Robert, 2011

Conclusion

Cette étude ne permet de strictement rien conclure, ni quant à l'efficacité de la prise en charge psychothérapique, ni quant à des mécanismes qui pourraient expliquer une éventuelle efficacité. Ici, l'efficacité de la prise en charge n'est pas prouvée, elle est supposée a priori. L'analyse de mécanismes psychothérapiques est purement spéculative.

L'absence de conclusion possible n'est pas due à un trop faible nombre de participants ni à des imprévus dans la collecte des données: elle tient à la conception même de l'étude, qui ne comporte aucune condition contrôle, et n'a spécifié aucune hypothèse a priori. Les auteurs défendent la conception de l'étude en se référant à de soi-disantes évolutions dans la recherche sur l'évaluation des psychothérapies, qui inciteraient à analyser les mécanismes des psychothérapies sans utiliser la méthodologie des essais cliniques contrôlés. S'il est vrai que des méthodologies alternatives sont proposées afin d'analyser les cas individuels et les séries de cas, la présente étude n'en respecte pas les principales recommandations, et s'en réclame donc à tort. Sa méthodologie ne permet simplement pas de répondre aux questions posées. En résumé, c'est la conception même de cette étude qui l'empêche de prouver quoi que ce soit.

Finalement, le principal problème avec cet article, c'est qu'il ressemble à un article scientifique, il a une présentation scientifique, des graphiques et tableaux comme dans une étude scientifique, il est publié dans une revue qui se dit scientifique, mais en fait ce n’est pas une étude scientifique visant à évaluer les approches psychothérapeutiques de l'autisme. Il s'agit plutôt d'un exercice rhétorique destiné à conforter les psychanalystes dans leurs croyances, et à jeter de la poudre aux yeux des familles d'enfants autistes et des décideurs. Il s'agit notamment de faire croire aux pouvoirs publics que la psychanalyse et la psychothérapie institutionnelle ont un effet positif sur le développement des enfants autistes, et que ces méthodes doivent donc être reconnues au même titre que celles ayant reçu une évaluation positive de la HAS. On ne peut qu'espérer que les pouvoirs publics ne seront pas dupes.

Perspectives

Cette mascarade d'évaluation scientifique de la psychothérapie psychanalytique de l'autisme ne condamne pas pour autant toute tentative future. Si les psychanalystes français souhaitaient réellement évaluer une forme de psychothérapie institutionnelle de l'autisme, et avoir ainsi une chance de prouver son éventuelle efficacité, ils pourraient encore le faire -- et le feront peut-être. De tels efforts ne sont absolument pas à rejeter a priori. Il n'est donc pas inutile de s'interroger sur les caractéristiques que devraient avoir une telle étude pour être en mesure de répondre à la question posée. En voici donc les principales:
  • Cette étude devrait impérativement comparer plusieurs groupes d'enfants autistes: l'un recevant le traitement psychothérapique jugé optimal par les psychanalystes français; l'autre recevant idéalement pendant la même période une autre forme d'intervention à l'efficacité déjà connue: ABA, TEACCH, ou ESDM. A défaut, l'autre groupe pourrait continuer sa prise en charge habituelle sans intervention supplémentaire ("treatment as usual"), ou bien être simplement sur liste d'attente pour l'intervention-cible (dans ce cas, il conviendrait de comparer un groupe d'enfants pendant une période avec puis une période sans intervention, à un autre groupe pendant une période sans puis une période avec intervention). Il est possible bien sûr de comparer plus de 2 groupes recevant différents types d'intervention, c'est encore mieux. Contrairement à ce qui est souvent dit, les groupes contrôles ne posent pas de problèmes éthiques insurmontables, différents protocoles expérimentaux permettant de s'assurer que tous les enfants reçoivent à un moment donné l'intervention jugée optimale (s'il y en a une), dans la limite des ressources qui peuvent être offertes.
  • L'attribution des enfants aux différents groupes devrait être aléatoire ou pseudo-aléatoire. L'absence de différence entre les groupes en termes, d'âge, QI, et symptômes austiques devrait être vérifiée a priori ou a posteriori. 
  • L'inclusion dans chacun des groupes devrait être associée à la communication d'un espoir égal d'amélioration pour les enfants (simple aveugle), de manière à éviter la démotivation des groupes contrôles. De fait, des attentes égales pour les différents groupes sont parfaitement légitimes tant qu'aucune des interventions en jeu n'a vu son efficacité prouvée. C'est évidemment plus délicat à mettre un oeuvre si l'un des groupes bénéficie d'une intervention déjà validée telle qu'ABA intensif.
  • Les enfants devraient être évalués avant et après chaque phase de l'intervention en utilisant des outils validés au niveau international et utilisésdans les autres études d'intervention pour l'autisme.
  • Les effectifs devraient être au moins de 35 enfants par groupe (et de préférence 50) à la fin de l'étude. Faute de quoi, la puissance statistique serait trop faible pour avoir une chance raisonnable de détecter des différences entre les groupes, et l'étude serait considérée de trop faible qualité pour être incluse dans une méta-analyse future (cf. par exemple cet article de Coyne et al. 2010).
  • Rien n'interdirait bien entendu de mesurer en cours d'intervention des "processus psychothérapiques", dans le but d'identifier des mécanismes de changement, dans le cas où des changements pourraient être attribués à une intervention particulière. Il conviendrait dans ce cas de faire des études de puissance statistique permettant de déterminer les effectifs nécessaires à la conduite d'analyses de médiation.
  • L'étude devrait être pré-enregistrée avant son démarrage, sur un site tel que Clinicaltrials.gov, en spécifiant soigneusement les hypothèses, les effectifs, toutes les variables qui seront analysées, les plans d'analyse et les corrections pour tests multiples éventuelles.
  • L'article résultant devrait être publié dans une revue internationale expertisée par les pairs (peer-reviewed).
Enfin, il convient de rappeler qu'une étude, à elle seule, n'établit jamais de preuve définitive. Une différence entre groupes peut être obtenue par hasard ou par différents biais, et l'étude suivante peut tout à fait montrer le résultat opposé. Seule la convergence de multiples études, établie par des méta-analyses, permet in fine de montrer les tendances qui sont fiables et d'emporter la conviction de l'ensemble de la communauté scientifique.

Considérations annexes

Publication et diffusion

L'article est publié dans la revue Neuropsychiatrie de l'enfance et de l'adolescence, une revue française de pédopsychiatrie qui n'a aucune audience internationale. On peut s'en convaincre en consultant les données bibliométriques de la base Scimago. Pour donner un exemple, chaque article publié dans cette revue est citée en moyenne 0,3 fois dans les 4 ans qui suivent sa publication. 80% des articles publiés dans cette revue ne sont pas cités une seule fois sur une période de 3 ans. C'est dire que publier dans cette revue n'offre aucune chance d'avoir un impact sur le cours de la science en pédopsychiatrie. En revanche cela a un impact certain sur la formation des étudiants en psychologie et psychiatrie, et sur les pratiques des cliniciens qui, pour la plupart, ne lisent pas les revues scientifiques internationales.

Le choix même de publier dans une revue en français est un aveu de la modestie des résultats de l'étude. Si les résultats obtenus avaient un quelconque intérêt pour le traitement de l'autisme, il est bien évident que les auteurs auraient tenu à le communiquer au-delà de nos frontières, afin de diffuser la bonne nouvelle aux psychiatres du monde entier, en faire profiter les enfants autistes du monde entier, et jouir pleinement du crédit de leur découverte. Le fait de publier dans une revue en français (langue lue par 2% des psychiatres du monde) montre que les auteurs ne s'adressent aucunement aux chercheurs scientifiques en psychiatrie (qui auraient tôt fait de détecter la supercherie). Ils ont écrit cet article avant tout à destination du lectorat francophone, dans le but d'influencer directement les pouvoir publics, les psychiatres et les familles français, tout en court-circuitant le processus d'évaluation scientifique international par les pairs.

De fait, les limites méthodologiques de l'étude sont telles qu'il est évident que cet article, même traduit, n'aurait eu aucune chance d'être accepté dans une revue internationale de psychiatrie faisant preuve d'un minimum d'exigence scientifique.

On peut enfin souligner que deux des quatre auteurs de l'article sont également impliqués dans le comité éditorial de la revue, l'un en tant qu'éditeur en chef (David Cohen), l'autre en tant que consultant en statistiques (Bruno Falissard). Dans une revue scientifique internationale, cela serait normalement considéré comme un conflit d'intérêt. Dans le cas présent, étant donné le faible impact de la revue, il n'y a pas vraiment lieu de retenir le conflit d'intérêt contre les auteurs, tout juste une faute de goût. Il est probable que l'article ait pu être accepté sans interférence de ces auteurs, de même qu'il aurait pu être accepté dans n'importe quelle autre revue de psychiatrie française d'accointance psychanalytique.

Financement

D'après les indications données dans l'article, cette étude a reçu des financements de l'Inserm, de la Fondation de France, et de la Direction générale de la santé. On peut s'étonner que ces institutions aient financé une telle étude. Néanmoins, il n'y a rien d'anormal au fait de financer des recherches cliniques sur l'efficacité de la psychanalyse et de la psychothérapie institutionnelle pour l'autisme. Puisqu'il a été reproché aux psychanalystes de n'avoir aucunes données dignes de ce nom à l'appui de leurs affirmations, on ne peut pas leur reprocher de vouloir enfin réaliser une évaluation de leurs pratiques, et leur projet doit être tout autant éligible à un financement public que n'importe quel autre projet de recherche clinique (si tant est que l'on se convainque du rationnel scientifique de la psychanalyse pour l'autisme - c'est évidemment discutable).

Simplement, la décision de financer une étude (plutôt que plein d'autres qui ont postulé au même programme, dans un contexte budgétaire restrictif) doit être fondé sur un examen minutieux du projet et de la méthodologie proposée, afin de s'assurer que le fait de financer le projet va réellement permettre de répondre à la question posée. Or, si la méthodologie qui était décrite dans le projet soumis est bien la même que celle qui est décrite dans l'article, j'ai du mal à m'expliquer que les experts qui ont évalué le projet n'aient pas vu qu'elle était totalement inadéquate pour répondre à la question posée. A moins que la méthodologie décrite dans le projet initial n'ait été différente de celle finalement employée? Dans un cas comme dans l'autre, je serais bien curieux de comprendre le processus qui a conduit, à trois reprises, au financement de cette étude. Ma curiosité ne sera sans doute jamais satisfaite car les expertises des agences de financement sont confidentielles. Néanmoins, les trois institutions en question pourraient légitimement se poser la même question et vouloir réexaminer leur processus d'évaluation scientifique afin d'en identifier la faille.

16 commentaires:

  1. Article très intéressant qui remet à sa juste place l’étude de JM Thurin et al.

    Par contre, la possibilité laissée entrouverte aux psychanalystes pour évaluer leur méthode se heurte à un obstacle majeur. Frank Ramus énumère bien les caractéristiques qu’une telle évaluation devrait satisfaire ; elles sont conformes à l’état de l’art pour des essais cliniques randomisés. Il y a cependant un aspect qui fait défaut: l’aspect éthique. Si nous n’étions pas en France, il serait considéré comme contraire à l’éthique de randomiser des enfants autistes et d’attribuer à ceux qui auraient tiré le mauvais numéro une thérapie qui n’a jamais fait la preuve de son efficacité après 100 années d’existence et dont rien ne permet même de suggérer qu’elle pourrait être efficace, alors que dans l’autre groupe, les enfants pourraient avoir accès à une thérapie dont l’efficacité est scientifiquement avérée.

    Dans son article 33, la Déclaration d’Helsinki exclut la possibilité de faire recours à une intervention moins efficace que la meilleure éprouvée si cela entraîne des risques supplémentaires de préjudices graves ou irréversibles du fait de n'avoir pas reçu la meilleure intervention éprouvée. Ne pas permettre à un enfant autiste d’avoir accès à une méthode éducative dont l’efficacité est avérée, à un moment crucial de son développement, lui cause certainement un préjudice grave.

    Il me semble que l’étude de JM Thurin et al. viole ce principe d’éthique fondamental, ainsi que d’autres règles d’éthiques importantes, telles que celles énoncées dans les Lignes directrices Internationales d'éthique pour la recherche biomédicale impliquant des sujets humains (CIOMS - http://www.cioms.ch/publications/guidelines/french_text.htm).

    Par exemple, la Ligne directrice 1 énonce le principe suivant : « sachant qu'une recherche scientifiquement caduque serait contraire à l'éthique dans la mesure où elle exposerait les sujets à des risques sans aucune contrepartie bénéfique, chercheurs et promoteurs doivent veiller à ce que les études proposées impliquant des sujets humains se conforment à des principes scientifiques généralement acceptés et reposent sur une connaissance adéquate de la littérature scientifique pertinente. » L’évaluation critique présentée par Frank Ramus suggère que l’étude de JM Thurin et al. ne respecte pas cette règle.

    Par ailleurs, les auteurs de cette étude font l’observation suivante : « Concernant l’absence de groupe témoin, la comparaison avec une absence de traitement n’était pas concevable pour des raisons éthiques. » Ils assument donc d’emblée que la méthode psychanalytique est efficace, sans aucune preuve – puisque l’inclusion d’un groupe témoin sans traitement serait, selon eux, contraire à l’éthique. Ils ajoutent : « Celle avec un traitement dont on ignorerait l’approche et les conditions n’était pas réalisable non plus à partir du moment où l’un des objectifs centraux était l’étude du processus interne de la psychothérapie avec des cas très hétérogènes. » Mais avec 50 thérapeutes pratiquant chacun sa méthode personnalisée, rien n’est prévisible et leur étude est donc exactement dans ce cas de figure.

    On peut légitimement se demander comment le comité d’éthique de l’étude de JM Thurin et al. a jugé ces points et d’autres questions d’éthique importantes soulevées par cette étude.

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  2. Personnellement, je serais plus pragmatique et j'aurais une interprétation plus réaliste de la déclaration de Helsinki. Car c'est un fait qu'en France la plupart des enfants autistes reçoivent "une intervention moins efficace que la meilleure éprouvée". Donc appliquer cette mesure strictement en France reviendrait à y interdire toute recherche interventionnelle sur l'autisme, ce qui serait absurde. Car finalement les enfants autistes français qui participent à une étude interventionnelle et qui se retrouvent dans le bras "psychothérapie psychanalytique" ne subissent pas une perte de chance par rapport à si on les avait laissés là où ils étaient où ça devait être guère mieux. La seule contrainte c'est qu'il ne faut pas retirer un enfant d'un programme efficace pour lui faire faire une étude interventionnelle, mais quel parent serait assez fou pour faire ça?

    On peut réclamer autant qu'on veut ABA intensif (ou équivalent) pour tous, le fait est que ce n'est actuellement pas possible du fait du petit nombre de professionnels formés, qui contingente strictement l'offre d'intervention "la meilleure éprouvée". Donc si on propose une étude d'intervention avec un bras psychanalyse et un bras ABA par exemple, ce sera (a priori, sur la base des connaissances actuelles) une chance pour les enfants dans le groupe ABA, mais pas pire pour les autres qui ont juste "treatment as usual". Donc ça ne me parait pas éthiquement problématique. Sachant que de toute façon on peut prévoir un protocole qui donne accès au meilleur traitement en seconde phase.

    En fait, si l'on suit ma logique, la France est sans doute l'un des derniers pays développés où il est éthiquement possible de tester des nouvelles interventions contre placebo ou presque, car ce placebo ou presque n'est pas pire que la situation de la plupart des enfants français. Alors que quand on teste une nouvelle intervention aux USA, le groupe "treatment as usual" est scolarisé avec des AVS bien formés, et fait déjà des progrès considérables (du coup c'est très dur pour un nouveau programme de faire mieux). La France devrait être l'Eldorado de la recherche interventionnelle sur l'autisme! Mais quasiment personne n'en fait (avec une méthodo correcte), quel gâchis!

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  3. Concernant l'avis du comité d'éthique, c'est une bonne question que je me suis posée aussi: comment un comité d'éthique a-t-il pu autoriser qu'on embarque des dizaines d'enfants autistes dans une étude interventionnelle conçue à la base pour ne rien pouvoir montrer et pour ne répondre correctement à aucune question scientifique?

    L'article mentionne que "L’autorisation des parents, après information, a été sollicitée pour chaque inclusion dans la recherche. Le réseau a obtenu l’accord de la CNIL pour ses bases de données." Mais ne mentionne pas l'autorisation d'un comité de protection des personnes (CPP). Peut-être est-ce une simple omission, raison pour laquelle je n'ai pas soulevé cela dans mon article.

    Il faut savoir qu'il est possible aussi de faire des recherches de ce type sans accord de CPP, lorsqu'il s'agit juste de collecter des données sur les soins courants que les patients auraient reçu de toute façon, ce qui me semble être le cas ici: "la consigne générale donnée aux cliniciens a été de ne pas modifier leur pratique psychothérapique (même rythme et durée des séances, conduites suivant l’approche et les références théoriques qu’ils utilisent habituellement)". Mais il me semblait que ce n'était possible qu'en milieu hospitalier (à vérifier), or là ce n'est pas le cas: "Vingt-sept thérapeutes exercent en libéral,13 en service public, 8 en institution semi-publique, 2 ont un exercice mixte."

    C'est donc un point qui mériterait d'être éclairci par les auteurs.

    S'il s'avère que cette étude n'a pas été examinée par un comité d'éthique, et qu'elle pouvait légalement s'en passer, en revanche un tel accord est indispensable pour pouvoir publier dans les revues internationales. Dans ce cas, l'absence d'autorisation d'un comité d'éthique est une tare de plus qui condamnait cette étude à être enterrée dans une revue franco-française et à n'avoir aucun impact. Et c'est quelque chose que les financeurs n'auraient pas dû tolérer, car leur intérêt est de financer des recherches qui ont le maximum d'impact international.

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  4. Merci pour ces explications très complètes. Vous remarquerez que j'avais en quelque sorte anticipé votre réponse, en précisant qu'une telle étude serait considérée comme contraire à l'éthique "si nous n'étions pas en France". Je comprends maintenant que si l'on veut étudier les interventions de prise en charge de l'autisme en France, il faut se résigner à effectuer des études qui sont considérées ailleurs comme contraires à l'éthique. Cette situation fournit une illustration de plus du caractère inacceptable de "l'exception française" dans le domaine de l'autisme.

    D'autre part, le fait qu'on ait utilisé des fonds publics pour mener à bien une étude aussi défectueuse tant sur le plan scientifique que sur le plan éthique me choque profondément.

    Finalement, je trouve inquiétante la quasi absence de réaction de la communauté scientfique française - à part vous, et on peut craindre que votre intervention reste sans suite - face à une étude qui donne une image peu reluisante de la science en France et est éthiquement contestable. Cette passivité, à la limite de l'omerta, traduit un inquiétant abandon des valeurs de la science et de la connaissance dans notre pays par ceux en qui la collectivité a le plus investi pour leur fournir une formation de haut niveau, et dont on pourrait attendre qu'ils se sentent responsables de protéger et de transmettre ces valeurs.

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  5. @Frank Ramus dit : « Dans un cas comme dans l'autre, je serais bien curieux de comprendre le processus qui a conduit, à trois reprises, au financement de cette étude. » La Fondation de France a financé l’étude de 2008 à 2012. Qui était le président du Comité Autisme de cette fondation lorsque l'étude a démarré ? Nul autre que Bruno Falissard, l’un de ses quatre co-auteurs. Ça doit faciliter un peu les choses quand une demande de financement pour une étude est examinée et décidée par un comité présidé par un membre de son équipe de recherche. Et lorsque l’on a obtenu de l’engagement d’un financeur, il est plus aisé d’obtenir de l’argent d’autres financeurs.

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  6. Merci pour cette information intéressante. J'ai bien trouvé la source mentionnant la présidence de Bruno Falissard:
    http://fondationdefrance.org/sites/default/files/atoms/files/brochure-autisme-10-ans-d-effort-partage.pdf
    En revanche, je ne vois pas apparaître la présente étude dans la liste des projets financés par la FdF. Avez-vous une source pour cela?

    De manière intéressante, on voit aussi que la Fondation de France (de même que le PHRC) a aussi financé à partir de 2008 l'étude sur le packing coordonnée par Jean-Louis Goeb (c'est la même que celle de Delion). Les résultats se font toujours attendre.
    On peut consulter deux articles de Goeb et coll. écrits au début de l'étude, exposant le protocole, et dont l'un rapporte des données préliminaires sur 10 enfants, sans groupe contrôle:
    https://www.researchgate.net/profile/J-L_Goeb/publication/247368473_Les_enveloppements_humides_initialement_froids_%28_packings%29_sont_efficaces_dans_les_troubles_graves_du_comportement_chez_les_enfants_et_adolescents_autistes/links/0a85e52f772c628b65000000.pdf
    http://www.cairn.info/revue-le-carnet-psy-2009-5-page-23.htm
    Espérons que les résultats seront un jour publiés, quels qu'ils soient, même négatifs. Si les auteurs ne publient pas d'eux-mêmes des résultats qui ne leur conviennent pas, c'est au promoteur et aux financeurs de les y obliger.

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  7. Il faudrait demander à la Fondation de France où ils en sont avec cette étude de Goeb et coll. L'étude pilote avec 10 sujets ne vaut pas un clou: les auteurs manquent de prudence quand ils affirment que les "packings permettent ainsi une amélioration du score total de 38 % et d’environ 50 % du sous-score « irritabilité »." Il est fort probable qu'ils n'aient observé qu'une régression vers la moyenne, la décision de commencer les packings coincidant avec une période où l'enfant était plus agité qu'à son habitude. Il ne serait donc pas surprenant que la grande étude ne donne pas les résultats attendus par ses investigateurs et qu'elle ne soit donc jamais publiée.

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  8. Plus fondamentalement, sauf erreur de ma part, l'INSERM et vous même n'évoquez pas le lien de plus en plus étudié et de plus en plus démontré entre les troubles de l'apprentissage et du développement avec le déséquilibre de la flore intestinale (microbiote) et l'hyperperméabilité de l'intestin provoqué essentiellement par une mauvaise alimentation.

    Certaines études évoquent aussi le déséquilibre du microbiote de l'enfant du fait d'un accouchement par césarienne ou encore du fait d'une flore déséquilibrée de la mère.

    Les causes sont toujours multifactorielles, mais il ne faut pas négliger cette piste là...me semble-t-il
    Bien cordialement

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  9. @Anonyme parle du "le lien de plus en plus étudié et de plus en plus démontré entre les troubles de l'apprentissage et du développement avec le déséquilibre de la flore intestinale (microbiote) et l'hyperperméabilité de l'intestin provoqué essentiellement par une mauvaise alimentation". Il me semble qu'à l'heure actuelle, on en est seulement au stade des spéculations, hypothèses et de la planification de futures études longitudionales sur cette question. Rien n'est encore démontré. Voir: http://www.cra-rhone-alpes.org/spip.php?article4882

    Cette piste du microbiote ne doit pas être ignorée. Il faut cependant réaliser que l'obtention de résultats probants dans un sens ou dans l'autre prendra du temps. Temps dont certaines personnes peu scrupuleuses risquent de profiter pour avancer avec force des thèses que l'état de la connaissance ne permet ni de confirmer, ni de réfuter.

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  10. L'étude en question ne portant absolument pas sur les causes de l'autisme, quelles qu'elles soient, il est normal de ne pas évoquer l'hypothèse bactérienne ici, ce n'est pas le sujet.

    Maintenant, vous avez raison sur le fait que le microbiote est un sujet chaud dans l'autisme sur lequel le nombre d'études est en augmentation, et je suis d'accord avec vous qu'il ne faut négliger aucune piste.
    En revanche, on ne peut pas dire que ce lien soit de plus en plus démontré. Les études qui ont examiné cette question ont pour la plupart porté sur de tout petits effectifs. Celles qui avaient les effectifs les plus importants n'ont pas trouvé de différence entre les enfants autistes et leurs frères et soeurs neurotypiques. Voyez notamment la plus récente, qui résume aussi les précédentes:
    http://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0137725

    Par ailleurs, comme souvent, c'est un domaine où l'observation d'une corrélation n'indique pas nécessairement une cause. C'est un fait bien connu que les enfants autistes sont difficiles à nourrir et ont souvent un régime extrêmement sélectif. Du coup, il est fort possible que des différences observées dans leur flore intestinale (si elles étaient confirmées, on n'y est pas encore) soient simplement la conséquence de leur régime différent...

    Bref, à l'heure actuelle, il s'agit d'une simple hypothèse, loin d'être démontrée, et qui ne mérite donc pas toute la publicité qu'on lui fait. J'imagine qu'il y a des gens qui ont des traitements lucratifs à vendre pour rééquilibrer la flore intestinale, et que ce n'est pas étranger à la disproportion entre publicité et preuves relatives à cette hypothèse.

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  11. @Pascal Diethelm et Franck Ramus, la prudence scientifique me convient et les études sont en effet récentes et restreintes pour valider avec force cette hypothèse.
    Les textes en lien de @Pascal.D sont prudents, mais envisagent sérieusement cette hypothèse microbiotique. Le texte de Franck.R montre qu'il y a peu de différence entre les enfants autistes et leurs frères et soeurs neurotypiques. Les causes sont plus complexes que la seule explication environnementale du microbiote, d'accord. La relation génétique/environnement est importante.

    Il existe néanmoins de nombreux cas cliniques d'amélioration du trouble autistique par une alimentation favorable à l'équilibre du microbiote. Je cite la neuronutritionniste Natacha Campbell Macbride, le Dr Georges Mouton, le Dr David Perlmutter, Dr Olivier Coudron. Leurs recherches, leurs cas cliniques, les études sur lesquelles ils s'appuient sont très encourageants.

    Enfin, sans aller jusqu'aux compléments alimentaires et leur commerce, manger plus sainement n'a jamais fait de mal à personne, bien au contraire. Le traitement clinique est donc facile à réaliser, les preuves devraient suivre, si l'hypothèse est pertinente.

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  12. L’analyse critique est très pertinente, mais n’est-elle pas trop charitable en traitant cet article biaisé de A à Z selon les critères d’un article médico-scientifique ordinaire. Cet article sans aucune valeur n’est en réalité qu’une arme de propagande pour mobiliser les troupes freudo-lacaniennes et repartir à l’assaut du monstre « scientiste », comme l’atteste le meeting annoncé en Belgique. Qu’il soit publié dans une revue de second ordre en français n’a aucune importance. L’important est ce qu’on va lui faire dire et comment on va l’utiliser, d’ailleurs qui le lira et qui est capable d’en faire une étude approfondie afin d’en disqualifier les prétentions ? Nous ne sommes pas là dans le domaine, je ne dirais même pas de la science mais tout bonnement de la raison, mais dans celui d’une doctrine quasi sectaire qui se prend pour LA science et défend son hégémonie (au moins dans le domaine de la pédo-psychiatrie). Il suffit de lire les délires lacaniens sur l’autisme ou la psychose dont se réclament les auteurs pour comprendre. Bien évidemment ce qui est révoltant est que les premières victimes de cette situation inique en France sont les patients. Mais toute aussi révoltante est la constatation est que ces gens là ne trouvent pas grand monde en face d’eux qui fasse le poids.

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  13. Le problème est que votre jugement sur cet article n'est pas nécessairement partagé par tout le monde, notamment les pouvoirs publics, les professionnels de santé... Tout le monde n'est pas capable d'avoir une lecture critique d'un article scientifique (ou se prétendant comme tel). Tout le monde n'est pas choqué par le discours psychanalytique sur l'autisme. Beaucoup de gens se contentent de lire les résumés des articles et d'en accepter les conclusions (c'est vrai aussi pour les articles sur le microbiote dans l'autisme, sur les vaccins, etc.). Dans la mesure où cet article est utilisé dans le but d'influencer les pouvoirs publics, il est important d'en faire une critique raisonnée pour que les non initiés aient accès un autre son de cloche.

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  14. Franck Ramus observe que "rien ne permet d'attribuer [les progrès observés] à l'intervention des thérapeutes plutôt qu'exclusivement au temps et au développement de l'enfant."

    En fait, les progrès observés ne sont probablement pas dus "exclusivement" au développement de l'enfant. Une faiblesse fondamentale de l'étude de Thurin et coll. est non seulement l'absence d'un groupe contrôle, mais aussi le fait que ses données résultent de l'auto-évaluation par les thérapeutes. Je cite: "Les données traitées sont issues des notes intensives prises directement durant ou immédiatement après la séance par le clinicien qui conduit la thérapie." Il est donc plus que vraisemblable que les "progrès" observés dans cette étude ne constituent qu'une mesure du bias de confirmation de ces thérapeutes, qui sont confrontés à la nécessité de légitimer leur pratique et de justifier leurs honoraires, dans un contexte où la psychanalyse est très contestée en matière de traitement de l'autisme.

    Il se pourrait même que ce biais de confirmation affecte l'étude dans son ensemble et ses conclusions. Il semble en effet que son principal auteur a un cabinet privé de psychanalyste, ce qui constitue un conflit d'intérêts qui aurait dû être déclaré.

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  15. Vous avez raison, les "progrès" observés peuvent être au moins en partie dus aux attentes du thérapeute d'observer des progrès. Je souligne ce défaut de la méthodologie lorsque j'indique que les évaluations auraient du être faites par des personnes indépendantes du thérapeute, pour garantir l'objectivité de la mesure.

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  16. Merci pour cet article!
    Mine de rien si les psychanalystes tentent de se défendre et d'évaluer leurs propres pratiques, c'est bien parce qu'ils sont de plus en plus critiqués, même si ce n'est pas encore assez. Ça commence à bouger pour lm'autisme.

    Par contre pour les maladies psychiques, on est très loin du compte. De nombreux patients sont suivis en psychanalyse ou par des psychiatres d'obédience analytique avec le cortège d'inepties qui va avec.

    Le droit des patients à choisir leur traitement est inexistant, suivis en CMP ils n'ont même pas le choix de leur médecin ou de l’hôpital qui les recevra en période de crise, vive la sectorisation!

    Quand il réclament des thérapies comportementales ou une psychoéducation, ces pratiques sont dénigrées par leur psy, alors que ces techniques marchent.

    Mais en France on veut rester dans une psychiatrie paternaliste et infantilisante, le psy prend les décisions pour son patient sans l'informer des choix possibles. Alors que les techniques de psychoéducation rendent le patient acteur de sa maladie et ça marche!

    Pratiquée à l'étranger depuis longtemps à l'étranger la preuve de son efficacité n'est plus à démontrer, 50% de rechutes et de ré-hospitalisation en moins. On pourrait penser que la sécu sauterait sur le truc qui lui permettrait de faire de supers économies... Non, il n'y a que les séances en hôpital qui sont prises en charge, hôpital majoritairement tenu par les pro-psychanalyse. Résultat les patients qui souhaitent ces séances sont sur liste d'attente, longtemps.

    La psychoéducation c'est 10 à 15 séances de groupe et c'est fini, et pas remboursé dans le privé. La psychanalyse qui n'a jamais montré son efficacité, c'est 1 à 3 séances par semaine sur une durée infinie, certains patients y sont depuis 15 ans, avec des séances de 60 à 120€ à Paris et REMBOURSÉE PAR LA SECU (et les mutuelles)! Vous voyez un peu le budget?

    J'espère qu'un jour on parviendra à changer tout ça. Les patients le veulent, mais personne ne les écoute. Toujours cette idée que les patients psy n'ont pas leur mot à dire. Pour exemple un dossier de plusieurs pages dans Libé sur les hôpitaux psy il y a quelques mois sans aucun témoignage de patients!!!

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