Les psychanalystes français distinguent-ils vraiment l'autisme de la psychose infantile?

A propos de la réponse de Mme Marie Dominique Amy à l'article du Figaro du 1er avril 2013.

Sur la base d'un seul exemple, Mme Amy conteste le diagnostic tardif des enfants autistes en France. Pourtant, le chiffre avancé par la journaliste (6 ans) est très voisin de celui ressortant de la dernière enquête disponible à la date de l'entretien(5 ans et demi; enquête Doctissimo-Fondamental publiée le 28 mars 2013), même si la situation tend à s'améliorer (4 ans et demi pour les enfants les plus jeunes dans la dernière enquête, ce qui reste tardif).

Mme Amy écrit "Même les critères français de la symptomatologie autistique (ceux de la CFTEMA) différencient depuis l’année 2000 psychose et autisme. Je ne connais plus un seul psychiatre ou psychanalyste qui considère que l’autisme plutôt que de faire partie des Troubles Envahissants du Développement relève de la Psychose."

Ce que dit Mme Amy est factuellement correct. Le problème est que les pédopsychiatres psychanalystes français ne reconnaissent qu'un enfant autiste sur 5000 ou 10000 (dixit Bernard Golse, Libération, 27 avril 2010). Alors que les études épidémiologiques estiment la prévalence de l'autisme (typique) à 1 sur 400, et la prévalence de l'ensemble des troubles du spectre autistique (TSA) à 1 sur 150 (sur 100 dans les plus récentes; jusqu'à 1/68 selon l'estimation du CDC) (Fombonne, 2012). Ainsi, la plupart des enfants autistes ou TSA (selon les critères internationaux) n'ont pas droit au diagnostic d'autisme chez les pédopsychiatres psychanalystes français. Ce sont ceux-là qui bénéficient du diagnostic de psychose infantile si particulier à la France, et qui semble toujours d'actualité, si l'on en croit le dernier article tout à fait explicite et édifiant de Jean-Claude Maleval et Michel Grollier. Pour ces enfants qui, dans le reste du monde, seraient diagnostiqués TSA, mais qui ici sont jugés psychotiques, c'est atelier conte, pataugeoire, packing, et interprétation des comportements atypiques. Avec les conséquences dramatiques rappelées dans cet article.

En conclusion, dire que les psychanalystes modernes et éclairés reconnaissent l'autisme et le distinguent de la psychose infantile est un simple écran de fumée, si l'on oublie de parler des nombres de cas diagnostiqués comme tels.

Annexe:

Pour rappel, la distinction qualitative entre "autisme typique" et le reste des troubles envahissants du développement (ou TSA) a été invalidée depuis de nombreuses années, sur la base d'un ensemble d'arguments convergents:

Références

Courchesne, E., Mouton, P. R., Calhoun, M. E., Semendeferi, K., Ahrens-Barbeau, C., Hallet, M. J., . . . Pierce, K. (2011). Neuron Number and Size in Prefrontal Cortex of Children With Autism. Jama-Journal of the American Medical Association, 306(18), 2001-2010.
Courchesne, E., Pierce, K., Schumann, C. M., Redcay, E., Buckwalter, J. A., Kennedy, D. P., & Morgan, J. (2007). Mapping early brain development in autism. Neuron, 56(2), 399-413.
Durand, C. M., Betancur, C., Boeckers, T. M., Bockmann, J., Chaste, P., Fauchereau, F., . . . Bourgeron, T. (2006). Mutations in the gene encoding the synaptic scaffolding protein SHANK3 are associated with autism spectrum disorders. Nat Genet, 39, 25-27.
Jamain, S., Quach, H., Betancur, C., Råstam, M., Colineaux, C., Gillberg, I. C., . . . Bourgeron, T. (2003). Mutations of the X-linked genes encoding neuroligins NLGN3 and NLGN4 are associated with autism. Nat Genet, 34(1), 27-29.
Lundström S, C. Z. R. M., & et al. (2012). Autism spectrum disorders and autisticlike traits: Similar etiology in the extreme end and the normal variation. Arch Gen Psychiatry, 69(1), 46-52. doi: 10.1001/archgenpsychiatry.2011.144



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